Une première projection marquante
Le film La Mer à boire a ouvert les projections des « Toiles de mer » au cinéma Le Hublot au Croisic, suivi d’une discussion enrichissante avec le public ce mercredi 29 février.
Un récit très proche
L’intrigue se déroule au sein d’une petite entreprise nautique, mais elle aurait pu s’appliquer à n’importe quelle PME. Georges, le patron, se retrouve à devoir sauver son entreprise. Sous la pression des banques qui exigent des licenciements massifs pour qu’il puisse continuer à exister, il fait face au mécontentement des syndicalistes, opposés aux décisions de la direction au moment même où les actionnaires se partagent la plus grande portion des bénéfices. En réponse, ceux-ci décident d’occuper l’usine.
Jacques Maillot présente ici son troisième long-métrage, mettant en vedette Daniel Auteuil, dans un film qui porte des convictions profondes, mais qui reste largement sous-représenté dans les salles de cinéma françaises. Avant la projection, Maillot a exprimé sa joie d’échanger avec le public : « C’est toujours un plaisir de voir les véritables personnes pour qui nous avons réalisé le film. » Sa modestie le rend souvent plus à l’aise derrière la caméra que devant un micro.
Daniel Auteuil : Un acteur au cœur du personnage
Le quotidien Le Monde a émis une critique sévère, mais les spectateurs présents à Croisic ont une perception différente. À la fin de la projection, bien que certains avis aient divergé, la majorité des spectateurs ont applaudi le travail de Maillot et de l’actrice Carole Franck. Le personnage principal, joué par Daniel Auteuil, rappelle les rôles emblématiques de Claude Sautet. Maillot confie : « Avec Georges, je souhaitais mettre en lumière ces quinquagénaires souvent absents du cinéma français contemporain. Un petit patron passionné, en lien direct avec ses employés, face à un monde de la finance éloigné. Ces deux réalités génèrent un sentiment d’isolement, car ces individus doivent porter des attentes élevées de la part de tous. »
Le film aborde des thématiques modernes, évoquant la violence des relations économiques tout en recentrant la discussion sur la dimension humaine. À propos de Daniel Auteuil, Maillot explique : « Sa présence suscite une empathie immédiate, car il fait partie de la mémoire collective des spectateurs. À l’écran, il est attachant, et c’est un acteur exceptionnel qui sait endosser plusieurs facettes d’un même personnage. »
Interrogations sur le pessimisme du film
Un membre du public, s’adressant à Maillot, a partagé son impression après visionnage : « On sort du film quelque peu abattu par tant de mauvais personnages. Cette accumulation de drames ne nuit-elle pas à la portée du message ? » Maillot, visiblement habitué à cette question, répond : « La première question à laquelle on se confronte souvent est celle du pessimisme. Chaque opinion est valable, mais il existe une multitude de ressentis. Le départ du personnage principal à Moscou, crédible, coïncide avec la réalité d’achats effectués par des investisseurs internationaux. Des discussions avec des sociétés de bateaux ont révélé une situation semblable, où des repreneurs en difficulté cherchent des solutions. Dans le cinéma, il existe une trop grande condensation des réalités, sans chercher la complaisance. Cela révèle, au fond, un élan de révolte. »
Carole Franck ajoute : « Je ne trouve rien d’illogique là-dedans, car, comme nous tous, je lis des nouvelles sur des investisseurs russes ou chinois. Ils sont perçus comme des acteurs crédibles sur le marché. Quand les problèmes s’accumulent, il faut saisir la moindre lueur d’espoir, surtout pour ceux qui dépendent de nous. Souvent, les difficultés surgissent en rafales. »
Un regard précis sur la plaisance
Plusieurs spectateurs ont salué la représentation fidèle des métiers de la plaisance et des relations syndicales entre patrons et employés. Maillot raconte avoir pris contact avec un militant de la CGT à Montreuil pour mieux comprendre les dynamiques d’occupation d’une usine. « Mon expérience des conflits sociaux m’a aidé, mais je voulais en savoir plus sur les grèves et les occupations », dit-il. « J’ai essayé d’attribuer des raisons à chacun, même si elles sont parfois contraires. »
Un avis plus critique s’est également fait entendre : « Je n’ai pas vraiment apprécié le film, car il semble un catalogue de problématiques contemporaines. Chaque membre du public y trouve un reflet de sa propre situation. Le film aborde plusieurs thèmes, la crise économique et le combat d’un petit patron, mais ils semblent tous quelque peu inachevés. »
En revanche, un autre spectateur a complété cette critique en louant le film pour sa mise en abîme, où un chef d’entreprise vend des produits coûteux à des clients extrêmement riches, ce qui mène à sa propre perte. Cela met en lumière la pression que subissent les entreprises par rapport aux attentes des investisseurs. Ce spectateur conclut sur une note d’espoir pour l’avenir : « C’est un reflet d’une société en déclin, mais qui pourrait laisser place à quelque chose de nouveau. »
Une autre personne a évoqué une histoire tragique de Joël Gamelin, entrepreneur en nautisme, qui s’est suicidé. La fille de Gamelin avait, en 2008, lancé un appel à l’aide publique. Le spectateur a ajouté : « Votre banquier fait preuve de clémence dans le film, mais dans la réalité, les maisons sont souvent gagées. Et il manque une mention sur les agences de notation qui jouent un rôle crucial dans ces crises. »
Jacques Maillot a simplement répondu : « L’idée derrière le film était de conserver un aspect romanesque tout en abordant la complexité de la réalité. Le cinéma vise à susciter une émotion qui aide à comprendre. Le message principal, c’est cette douleur d’observer que notre société est embrigadée dans une course folle vers la rentabilité, au détriment du vivre-ensemble. »
Informations sur la diffusion
Le film est projeté jusqu’à lundi au cinéma Le Hublot au Croisic. Il est également disponible à Guérande, au Cinéville, ainsi que dans trois salles à Nantes.
Pour plus d’informations, visitez le site : Cinéma Le Hublot