Réflexion : Les Croisicais en pleine quête identitaire !

Une Identité en Évolution

Je ne me considère pas comme Croisicais… sauf pour les Croisicais. Il est essentiel, une fois les barrières de la commune franchies, de se définir. Ainsi, face à la question classique : « D’où êtes-vous ? », les réponses possibles varient selon le contexte, provoquant parfois une sorte de schizophrénie : « J’habite au Croisic », « Je suis Croisicais », ou encore « Je viens du Centre-Bretagne ». De manière plus directe et sportive, les Croisicais me désignent souvent comme « le Guingampais » ou, de façon plus animale, « le furet ». Un ami, résident de longue date, se voit encore appelé « le Bordelais ».

Des Surnoms Affectueux

Plus que n’importe quelle carte d’identité, ces surnoms révèlent l’identité du nouvel arrivant d’un seul coup d’œil. Sans intention malveillante, ces épithètes sont assimilées à des marques d’affection. Il est rare que ceux qui viennent d’ailleurs se questionnent sur leur identité. Cependant, en ce qui concerne les Croisicais, la situation est tout autre. Les expressions comme « Croisicais pur souche » ou « vrai Croisicais » surgissent régulièrement, presque telles des revendications.

Un Débat Suscité par Thalassa

Pourquoi écrire ces lignes ? En raison de Thalassa. Plus précisément, suite à un article publié sur le site lecroisic-infos.fr concernant Georges Pernoud, le célèbre présentateur de l’émission, ainsi que les nombreux commentaires qui ont suivi. Ce fut un mini-débat enflammé sur l’« identité locale », suscitant des émotions vives. La polémique a été déclenchée par des lecteurs mécontents qu’une écrivaine d’origine parisienne présente des figures locales dans l’émission. Selon eux, elle n’est pas vraiment légitime, pas tout à fait autochtone, pas forcément Croisicaise. Peut-être est-ce vrai, mais qu’en est-il ?

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Une Vision de la Réalité Locale

En relisant attentivement les propos de Georges Pernoud, qui semblaient loin de nos préoccupations, il répond à ceux frustrés : « Thalassa n’est pas une émission de spécialistes ». Ce n’était pas « Télé Côte d’Amour » ou « Pêche à pied TV », c’était un programme de vulgarisation sur la mer, diffusé sur une chaîne généraliste, dont l’ambition était d’aller à la découverte du monde marin. Ce n’était pas un programme exclusivement pour les 4 190 habitants du Croisic, dont on s’interroge sur le nombre de « véritables » Croisicais. En fin de compte, c’était une campagne de promotion extraordinaire pour notre village, dont nous mesurerons probablement l’impact cet été, lors de la visite des touristes, à qui nous montrerons le véritable visage du Croisic, au-delà des simples souvenirs en bols Henriot achetés sur les quais.

Une Identité Partagée

Ce soir-là, en tant qu’expatrié, j’ai réellement ressenti une fierté d’être Croisicais. Ébloui par de belles images et par la présence d’amis sur l’écran, j’ai invité ma famille et mes amis bretons à ne pas manquer l’événement en leur disant : « Vous allez voir comme c’est magnifique chez moi ». Mais j’ai aussi eu l’interrogation suivante : qui était cette dame ? Au café où je regardais le programme, personne ne pouvait me le dire.

Réflexions sur la Nostalgie et l’Avenir

Il est triste de réaliser que les réactions négatives sont des symptômes bien connus d’une commune (Le Croisic) en déclin : d’abord la nostalgie, suivie de la mélancolie, puis de la dépression. Oui, cette ville fut un point névralgique avec son commerce maritime, ses armateurs prospères, sa pêche, son équipe de football. Autrefois, Guérande n’était qu’un petit bourg et Batz-sur-Mer un simple village. Mais les Croisicais regardent constamment dans le passé, peut-être par peur d’un avenir morose. Le Croisic du XXIe siècle est bien éloigné des contes idylliques d’autrefois. Et il est inutile d’en dresser la liste, tant les réalités d’aujourd’hui sont parlantes. Les commentaires des lecteurs soulèvent une question cruciale : les jeunes. Trop souvent, on parle à leur place, ce qui mène à l’incompréhension. Oui, la jeunesse croisicaise s’éloigne, oui, il n’y a pas assez de logements accessibles. Mais souhaitent-ils vraiment rester ici ? Quel avenir leur est proposé ? En les ramenant systématiquement 50 ans en arrière avec les éternelles phrases telles que « Tu n’as pas connu le Croisic à son apogée », ne les poussons-nous pas à partir ? Quelle place réservons-nous à leurs initiatives ? Quelle influence peuvent-ils avoir dans une commune où l’âge moyen est de 63 ans et où les résidences secondaires représentent 61 % des habitations ? Sont-ils réellement heureux ici ?

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Identité et Représentativité

Je m’interroge en lisant certains commentaires évoquant des termes comme « représentativité » et « légitimité », alors que la population croisicaise diminue comme peau de chagrin. Avec seulement 4 190 habitants, combien peuvent être considérés parmi les « vrais » ? Cette manière de penser ne laisse guère de place aux autres, entraînant chaque fois leur marginalisation dès qu’ils souhaitent s’engager politiquement, associativement ou socialement. C’est ainsi que l’influence du Croisic s’amenuise, entre querelles internes et conflits anciens. Un homme politique local m’a récemment confié : « Je suis ici depuis longtemps, mais à leurs yeux, je ne suis pas encore Croisicais. Cela pèse sur moi comme un fardeau et sera toujours un obstacle ». Récemment, un ancien maire a choisi Guérande pour poursuivre ses ambitions politiques, tandis que d’autres communes sont plus ouvertes à l’origine de leurs élus.

Vers un Avenir Inclusif

Le débat renaîtra comme les hirondelles au printemps. Et il ne s’agit pas de mépriser l’histoire du Croisic et sa mémoire vivante en questionnant l’objet même de ce dialogue. Le Croisic est loin d’être mort, mais si la ville souhaite prospérer et renverser la tendance, elle devra s’adapter à la réalité contemporaine et accorder une place significative à ses « immigrés », peu importe d’où ils viennent, leurs convictions ou leur situation sociale.

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