Une lettre de Lara
« Ma chère cousine Lara,
Une forte pluie automnale m’empêche de déployer mes ailes aujourd’hui, et j’en profite pour te donner des nouvelles de notre charmante ville qui sera désormais mon port d’attache, aux côtés de Jonathan.
« Triste époque que celle où il est plus difficile de briser un préjugé qu’un atome » disait Albert Einstein… et il avait raison !
Événements contradictoires en octobre
Au cours de cette première semaine d’octobre, deux événements qui contrastent illustrent un certain malaise culturel :
- La fermeture, faute de repreneur, du Triangle blanc, librairie d’art et galerie, fondée en 1995 par Yann et Jean-Eric, qui ont opéré un virage vers Art & Balises depuis 2009, associé au succès du festival de piano Tempo…
- Le lancement simultané par la Mairie d’un « café littéraire » dans la galerie Chapleau, qui prouve, s’il en fallait, l’intérêt des retraités croisicais pour la lecture (ils en ont le temps) !
Il s’agit d’un paradoxe propre à notre société moderne, ou d’un monde à l’envers ? Est-elle progressiste ou rétrograde ?
Questions sur l’économie locale
Il est vrai que le coût très élevé des locaux ou des simples baux sur les quais n’est accessible qu’à des commerces à forte marge, comme les crêperies, ou à de grands groupes très capitalisés, tels que les banques… La Mairie pourrait-elle envisager de participer au rachat des murs pour les transformer en un espace culturel pour les jeunes ? Cela réclamerait du courage !
De plus, l’excellent festival de la Page à l’Image, qui débute dans quatre jours, affiche complet et dirige ses spectateurs vers l’espace culturel Leclerc de Guérande pour acheter les livres dont sont tirées les adaptations cinématographiques : victoire par KO de la grande distribution ! En tenant compte des frais de carburant, cela était pourtant moins cher rue de la Marine, où un échange de vues avec Nathalie, la libraire, était possible… Mais là encore, le sponsoring a ses exigences. Heureusement, ce n’est pas un centre Leclerc de Saint-Malo qui finance le festival, sinon !
Impact de la vente en ligne
Les commandes en ligne, avec leur livraison rapide et gratuite d’un simple clic, représentent, de fait, une menace pour nos librairies. Beaucoup feuillettent les ouvrages en magasin, puis commandent sur leur clavier.
Bon vent, malgré tout, à Nathalie dans sa nouvelle aventure.
Le festival La Page à l’Image ne s’arrête pas là : le traiteur vient de La Baule (c’est plus chic et plus coûteux), les dédicaces (avec Mylène Demongeot et Michèle Laroque) ont lieu à Guérande, et l’humoriste de la soirée de clôture débarque de Paris, etc.
Une inquiétude pour l’avenir
Il est bien triste de voir le commerce local céder progressivement la place à des groupes dont le principal objectif est la rentabilité financière, au service de quelques actionnaires institutionnels ou de fonds de pension anglo-saxons.
Je suis préoccupée par l’avenir du Croisic dans vingt ou trente ans. Mais ce sera la responsabilité de mes enfants, car l’espérance de vie d’une mouette est d’à peine 30 ans.
Les décisions ayant des implications à moyen terme doivent être prises sans attendre. Le temps, comme les jours, les semaines, les mois et les années, file inexorablement, comme si le temps au Croisic n’obéissait pas à la loi universelle du sablier.
Un appel à l’optimisme
Restons néanmoins optimistes ! Au Croisic, ceux qui choisissent de vivre ici sont des privilégiés, bien que je ne sois pas certaine qu’ils en aient pleinement conscience.